Sculpture
Métal et terre

Virginie BOMANS & Pierre OLLIVIER

Œuvre commune

DENISOVA

acier, 240/160 cm au sol, H 180 cm

On a découvert en 2010, en Sibérie dans la grotte de Denisova, une phalange humaine fossile datée d’environ 40000 ans. L’homo denisovensis présente un ADN distinct de l’homo sapiens, un genre hybride. Entre le progrès technologique et la littérature de science fiction, l’hybridation est à l’ordre du jour. Recréant d’inaltérables parties de soi (yeux assistés par ordinateur ou mains mécaniques), l’homme peut aujourd’hui refaçonner son outil corps révisant ainsi les données de sa propre création.

Denisova est ma première sculpture mobile. Proche de l’automate sauf dans les contours, loin du cinétique sinon dans la transmission des mouvements, elle oscille entre abstraction et figuration. Je n’ai pas voulu construire des mains lisses et creuses. Plutôt que la joliesse des contours, il s’agit de signifier l’effort : articulations, tendons, tensions. Symboliser cette mécanique, c’était introduire le mouvement : rotation, translation, déploiement. J’aime l’idée de visualiser de près, par la face supérieure du socle, toute la transmission mécanique depuis le moteur cœur.
Neuf mouvements activent quatre modules pour passer d’une configuration cubique compacte à une configuration développée sphérique. Elle incarne un mouvement perpétuel de diastole systole. Denisova est une sorte de métronome, vecteur de la temporalité.Cette réalisation existe grâce à Pierre Ollivier. Il m’a ouvert son lieu, a largement participé à son financement.

Sa participation et ses réparties m’ont été précieuses. Après avoir abordé l’éclairage en interne, il s’attelle aujourd’hui à trouver sa musique. Mais surtout, il m’a mise au défi d’illustrer le passage du cube à la sphere et penser une œuvre mobile.

Pierre Ollivier

Ce que j’aime dans la sculpture sur métal sont les représentations semi-figuratives stylisées et les symboles. Pour moi, la sculpture sur métal ne consiste pas à réaliser une œuvre finie et figée qu’elle soit d’expression abstraite ou figurative. C’est un objet qui vit, respire, se balance, change de couleur, associe plusieurs matériaux et techniques de mise en œuvre. Pour affirmer cette notion l’objet est assemblé mécaniquement et pourra toujours être repris, complété, associé à d’autres formes. Dans la continuité de la démarche entreprise dans l’atelier des Colombins la sculpture ne se limite pas au façonnage du métal mais associe les expressions et techniques du vitrail, du fusing, de la céramique et à fortiori, la couleur par la peinture.
J’ai été, pendant toute ma vie professionnelle, très intéressé par la matière, pierre, métal, bois, mais principalement par le métal qui, par ses assemblages possibles, traduit des formes dynamiques et évolutives. Je l’ai pratiqué essentiellement par l’industrie à travers mon métier. Plus tard (sur le trop tard), j’ai découvert et réalisé la sculpture avec mes mains. Enfin la révélation première du toucher de la matière et tout ce qu’elle permet de façonner à travers cette rencontre. Cette révélation n’est pas réservée au métal mais à l’ensemble des matériaux que l’on découvre et façonne.
Le concept de l’œuvre doit venir, pour moi, d’une idée originale ou imaginée à partir d ’un thème mais non dicté par une image préexistante ou un objet détourné. C’est un acte qui consiste à créer chaque fois un « être » nouveau. D’ailleurs pendant le façonnage on lui parle. Les relations ne sont pas toujours faciles. La création est merveille et souffrance. Une notion essentielle dans cette démarche sont les difficultés rencontrées à chaque étape de la réalisation et la nécessité de les résoudre. Aucune suite n’est possible sans la résolution de l’épreuve précédente. Ou alors c’est de la triche. Je vous le disais, l’art est souffrance. Mais chacun est libre de le vivre comme bon lui semble. Deux démarches se côtoient, la nécessité de progresser dans la maitrise de la technique et l’imagination progressive, source de toutes les résolutions.

Virginie BOMANS

D’un point de vue structurel, mon travail est profondément inspiré par la pré-renaissance. Le fond est similaire mais les codes en sont radicalement différents et une part d’abstraction s’immisce souvent dans la composition. De toute façon, l’ensemble de la composition est régi par le nombre d’or. Derrière l’illusionnisme et la rigueur technique, c’est la circulatoire qui prime.
Par la pratique de l’assemblage et du palimpseste, j’aime confronter des systèmes et des échelles différents. Par des jeux de perspective et d’anamorphose, il s’agit d’interroger de nouveaux niveaux de représentation. La perpective à point de vue unique se justifie par un système de représentations mentales lui aussi unique.
Celui-ci est aujourd’hui bousculé par les études quantiques et les nouvelles technologies qui déploient moultes possibles et un véritable kaléidoscope référentiel. Témoignant des bizarreries de notre attention au monde, ceci permet l’exploration virtuelle de rencontres improbables. Je m’intéresse beaucoup à l’architecture et aux espaces de synthèse, mes compositions s’en ressentent.
Après la mise à nu de flux et des tensions entre nature et civilisation, mes dernières recherches expriment une tentative de réconciliation entre ces deux extrêmes. Ces univers qui semblent parfois incompatibles interagissent pourtant en profondeur; pour citer Héraclite, ce qui est taillé en sens contraire s’assemble, de ce qui diffère naît la plus belle harmonie et c’est finalement la discorde qui produit toute chose.
Ma progression dans la sculpture a grandement nourri ma peinture : jeux plein/vide, compensation des masses, point de rupture de l’équilibre, frontalité/profondeur. Je développe des thèmes analogues dans les deux disciplines et les deux approches se complètent. La sculpture, élémentaire et objective, élargit ma recherche picturale, toujours si mentale.

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Originaire du Bas-Rhin, j’ai rejoint l’aïeule de ma famille dans le Sud enfant et occupe aujourd’hui sa maison à Sanary. J’enseigne la peinture et la sculpture et entretiens la dynamique d’un collectif d’artistes. Après le baccalauréat, j’ai choisi de suivre la filière universitaire jusqu’au seuil de la thèse (DEA). J’ai tout de suite axé mes recherches sur notre façon d’habiter l’espace et du mouvement de divers flux (organiques, mécaniques, électriques, variations sismiques, thermiques…).